mardi 3 décembre 2019

Genèse


Au commencement, Dieu créa. Il créa car après avoir vécu Sa solitude durant toute une éternité, et avoir vu que cela était bon, Il voulut... quelque chose d'autre. Quelqu'un d'autre.
Au commencement, Dieu créa, et Il vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, premier jour. Puis deuxième jour, troisième jour, quatrième jour, ... Il y eut des soirs et des matins jusqu'à cette rencontre qui allait tout changer.
Dieu aima toute sa Création d'un amour absolu, mais il y eut une créature en particulier qui l'intrigua. Les plantes, les minéraux, les bactéries, l'air, l'eau, les animaux – toutes créatures avaient cette conscience diffuse de faire partie du divin, de vivre par Lui, en Lui. Ils étaient Lui, Il était eux. Seul un être se mit à penser autrement : l'être humain. Les êtres humains.
Les Humains prirent conscience que non seulement Dieu était en eux, mais également hors d'eux. Ils virent alors Dieu comme un Autre ; et le dialogue s'installa.
Ce furent des temps heureux.
Il n'y avait pas parmi les Humains de genres nettement définis, même si l'on voyait bien que seules certaines personnes pouvaient porter des enfants. Aimer une autre personne, ou plusieurs autres, ce pouvait être pour une heure, un jour, un mois, un an, une vie, et tout cela était bon, car c'était l'amour. Et l'amour se vivait au quotidien, sous le regard bienveillant de Dieu, et certains, si l'envie les prenait, demandaient Sa bénédiction sur leur foyer. C'était alors l'occasion de grandes fêtes sous la lune, où l'on dansait vêtu de blanc, pieds nus tournoyant sur l'herbe fraiche, au son des luths, des tambours, et des roseaux. Les enfants étaient le plus beau trésor des Humains, et ceux qui perdaient leurs parents se voyaient confiés à celleux qui désiraient fonder une famille sans pouvoir concevoir. Aux enfants, il leur était appris dès le plus jeune âge le respect de la Création, le respect de leur corps et de celui des autres. La terre était riche, les jours bien remplis et les nuits ressourçantes ; le cycle de mort et de vie était au coeur de l'existence, et cela était bon.
L'harmonie était telle que Dieu Lui-même habitait avec Ses créatures, partageant leurs joies, leurs peines, leurs amours. Il leur apprit la tendresse, la joie de s'offrir l'un à l'autre, l'une à l'autre, Il leur appris la jouissance. Il leur appris la colère, la tristesse, l'envie, le désir, la plénitude, la sérénité, ... toute émotion utile à leur épanouissement.
Puis sans s'en rendre compte, l'Humain cessa petit à petit de s'adresser à Dieu comme à un Autre, tant Il lui était proche, tant leurs existences étaient liées l'une à l'autre. Et si cette fusion avait un certain attrait, Dieu ne voulut pas qu'elle fût entièrement consommée. Il aimait cette différence, cette infinie et infime distance entre deux êtres qui s'aiment. Dieu était sage, et prit une décision.
Il profita une dernière fois du plaisir de se fondre en l'Humain lors de la plus grande fête de l'année, qui fêtait l'équinoxe d'automne. Il dansa, vibra, joua, mangea, but bien plus que de raison ; Il fit l'amour, Il jouit, enlacé par des bras chaleureux ; Il s'isola, observa longuement l'Humain qui formait une belle ronde désordonnée autour du grand feu qu'on avait allumé, soupira, pleura certainement. Puis Il annonça Son départ et Son amour – amour d'autant plus grand qu'Il s'en allait.
- Je vous aime, je vous aime tant ! Gardez cette liberté de n'être pas Moi, restez cet Autre dont j'ai besoin...
Et l'Humain, dans sa fougue – qui peut-être est sagesse – déclara :
- Puisque Tu pars, nous partons aussi, afin que nous aussi nous soyons nomades, afin que nous restions curieux de ce qui est Autre.
Puis Ils se séparèrent, conscients que dès lors, Ils se chercheraient toujours.





[Réécriture du mythe originel, dans le cadre du programme Self Love awakens]