mercredi 22 mai 2019

Prédication : Luc 19, 1-10



1 Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville. 2 Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, 3 cherchait à voir qui était Jésus; mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille. 4 Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là. 5 Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. 6 Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie. 7 Voyant cela, tous murmuraient, et disaient : Il est allé loger chez un homme pécheur. 8 Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.9 Jésus lui dit : Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. 10 Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
(Traduction : Louis Second)

✿✿✿✿



Je sais pas vous mais moi, l'histoire de Zachée était l'une de mes préférées quand j'étais enfant, et c'est pour ça que j'ai eu envie de vous en parler aujourd'hui. Parce que c'est un récit court mais très vivant, très détaillé, presque une parabole en somme. Je me sentais proche de Zachée, parce qu'au fond, il a beau être un riche publicain, collecteur de taxes, il se comporte un peu comme un enfant : il est petit, il grimpe aux arbres, il se dépêche d'en descendre quand Jésus lui demande, lui aussi un peu enfantin : « Veux-tu être mon ami ? », et ils vont goûter ensemble – si on résume.

Peut-être que comme moi quand j'étais enfant, vous vous identifiez à Zachée en entendant ces quelques versets de Luc, et c'est bien normal. C'est le personnage principal du récit, il a envie de voir Jésus, au moins deux bonnes raisons de prendre son point de vue – pour commencer.
Et je vous invite à me suivre dans ce petit parcours où nous pourrons nous identifier tour à tour au différents protagonistes du récit.
Tout comme Zachée, dans la vie, il arrive qu'on se sente petit : en taille – et ça, c'est l'histoire de ma vie (lorsque j'assiste à un concert, par exemple, je me sens très Zachée !)– ou en statut, comme le terme grec le laisse aussi penser. Ce sont ces moments, que je connais bien, que vous connaissez sûrement, où on a l'impression d'être bloqué, comme Zachée est bloqué derrière la foule. Pour Zachée, c'est une foule très concrète, mais pour nous ?
Bien sûr, cela peut être aussi très concrètement des gens qui nous font sentir petits, mais cela peut aussi être nos foules intérieures. Qui est-ce qui la compose, ma foule intérieure ? Si je regarde toutes ces têtes, ces épaules, ces dos qui me bloquent la vue, moi je distingue la fatigue, l'impression que je ne suis pas assez adulte, la flemme aussi parfois, la peur d'être déçue ou de décevoir, ... Cette foule empêche la rencontre, avec Jésus, avec ceux qui m'entourent aussi, et parfois, empêche même la rencontre avec moi-même...
Alors comment faire ? Comment faire quand cette foule nous bloque le passage ? Zachée nous offre sa solution : il ne cherche pas à affronter la foule, il grimpe à un arbre ; il prend de la hauteur. C'est une jolie leçon, qui invite à la créativité. Il ne s'agit pas de combattre, même s'il y a un temps pour chaque chose, mais de trouver ce qui nous élève, ce qui offre une nouvelle perspective. Pour moi, c'est souvent la lecture, la prière. A chacun de trouver son sycomore intérieur, que ce soit la marche en forêt, un temps de réflexion sous une bonne douche chaude, une discussion animée avec des amis, ... Chacun son arbre favori.
Trouver un arbre bien placé et y grimper, ça n'est pas la seule leçon qu'on reçoit en se prenant pour Zachée ; car une fois sur son sycomore, dominant la foule, que se passe-t-il pour lui ? Lui qui voulait voir, et peut-être juste voir Jésus, voilà que Jésus le voit à son tour, et s'invite chez lui !
Je vous avoue que je ne sais pas comment je réagirais si quelqu'un, fût-ce Jésus, s'invitait chez moi sans autre formalité ! Je serai sûrement prise au dépourvu, si ce n'est irritée. Zachée, lui, répond par la joie ! Il accepte de se faire bousculer, d'accueillir Jésus qui le cueille là sur son arbre où peut-être il se pensait caché. Je sais pas vous, mais moi, j'ai beaucoup à apprendre de cette spontanéité joyeuse de Zachée !

Mais peut-être qu'à la lecture de ces quelques versets de Luc, vous ne vous êtes pas identifiés à Zachée, mais à son interlocuteur, Jésus – et c'est bien normal aussi. Ça pourrait paraître un peu présomptueux, de s'identifier à Jésus, de se prendre pour lui, mais après tout, n'est-on pas censé, en tant que chrétien, prendre le Christ pour modèle ?
Que fait Jésus dans ce récit ? Un truc un peu fou, comme il en avait l'habitude : il prend l'initiative de la rencontre ! Avec un mec perché dans un arbre, à la réputation un peu trouble, en plus ! Mais ça, Jésus, il s'en fiche : dans la rencontre avec Zachée, il ne voit qu' un « fils d'Abraham », ce qui signifie un membre du peuple de Dieu. Il ne lui fait pas la morale (y en a-t-il besoin, finalement ? On ne sait pas si Zachée est vraiment pécheur, c'est la foule qui le désigne comme tel), il s'invite chez lui, il veut une rencontre en profondeur, bien au-delà des préjugés. Il ne cherche pas à le changer par de grands discours, non, pas le temps pour ça, car l'urgent c'est la rencontre.
Et le texte nous la dit bien, cette urgence : Zachée « court » pour voir Jésus, mais surtout, Jésus lui dit : « Hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. » Non, Jésus ne cherche pas à changer Zachée, car l'urgent, c'est la rencontre... Et c'est cette rencontre qui fait que Zachée connait un profond changement intérieur, qui se traduit par le don de la moitié de sa fortune, et la promesse de surcompenser les éventuels torts commis.
Je vous disais un peu plus tôt que ce récit ressemble à une parabole. C'est que Jésus n'a pas seulement raconté des paraboles – ces petits textes qui expliquent le Royaume de Dieu – non, Jésus n'a pas seulement raconté des paraboles, il les a aussi incarnées. Par son comportement qui dit que l'urgent, c'est la rencontre, par le fait qu'il se présente en ami, Jésus nous invite à vivre dès maintenant dans le Royaume de Dieu.

A la lecture de ces quelques versets de Luc, on se reconnait facilement en Zachée, lui l'homme de petite stature qui cherche à voir Jésus ; on a aussi envie de se reconnaitre en Christ, celui qui invite à la rencontre, l'ami par excellence.
Mais ce récit nous offre encore un autre point de vue, moins glorieux celui-là : la foule. Ça n'est pas très agréable de s'identifier à cette foule, mais moi la première, je dois reconnaitre que j'en fais partie plus souvent que je ne le voudrais...
Je fais partie de cette foule, parce que comme elle, je râle – je « murmure » comme le dit le texte – quand les choses ne se passent pas comme prévu, ou quand on s'intéresse à quelque chose ou quelqu'un d'autre que moi.
Et encore, si la foule ne faisait que râler face à cette rencontre inattendue de Jésus et Zachée... mais en plus, elle a failli l'empêcher ! Zachée voulait voir Jésus, mais « il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule » nous dit Luc. En effet, la foule ne prête pas attention à Zachée, elle l'ignore, lui tourne le dos. Peut-être Zachée a-t-il haussé la voix, a-t-il demandé une place aux côtés de ceux qui eux aussi étaient là pour voir Jésus, mais on ne lui a pas fait de place.
Oui, parfois, je fais partie de cette foule... Sans doute ai-je ignoré des personnes qui auraient eu besoin que je me pousse un peu, que je leur fasse une place à mes côtés ; sans aucun doute ai-je râlé parce que des personnes ont reçu une attention dont j'estimais qu'elles n'étaient pas dignes !
Cette foule, ça n'est pas une foule de gens méchants, c'est une foule de gens comme vous et moi, une foule qui comme Zachée avait envie de voir Jésus. Cette foule, c'est peut-être parfois notre Eglise...
Alors humblement, j'ai envie de me demander : qui est mon Zachée lorsque je suis la foule ? Qui est celui que j'ai de la peine à accepter à mes côtés ? Qui est celui dont je me dis : il n'est pas assez bien pour recevoir Jésus chez lui ?
Zachée, c'est la figure de l'exclu, mais un exclu dont on n'a pas vraiment pitié, car après tout, c'est un riche publicain, à la solde des Romains. S'il est mal vu par la foule, c'est peut-être qu'il l'a bien cherché ! Il n'a qu'à changer, être plus ceci ou moins cela, et comme ça il sera digne d'être à nos côtés pour voir Jésus...
Aurait-on envie que Jésus le guérisse de quelque chose, comme il a guéri un aveugle dans les versets qui précèdent ? Mais Jésus n'a pas demandé à Zachée de changer... Et ça n'est pas par ignorance de qui il est – Il appelle Zachée par son nom, c'est bien qu'il le connaissait au moins un peu. Et il ne lui a pas demandé de changer, il lui a juste demandé de le laisser entrer dans sa vie : « Tu voulais me voir, me voici ! ».
Peut-être bien que Zachée était un pécheur – ça n'est pas à nous de statuer ; et qui n'est pas pécheur, finalement ? - mais Jésus ne l'a pas interpellé comme tel, il l'a interpellé comme quelqu'un qui vaut la peine d'être rencontré.
Alors, tant individuellement qu'en Eglise (et peut-être surtout en Eglise) : demandons-nous qui sont les Zachée de nos vies? Qui sont ceux que nous jugeons pécheurs et indignes sans les connaitre ? Qui sont ceux que, en les ignorant, nous rendons « de petite taille » ? Qui avons-nous de la peine à accueillir à nos côtés, pour voir Jésus, sur les bancs de notre église ?
Prenons conscience de l'existence de Zachée, prenons conscience de nos difficultés à son égard, que Zachée soit alcoolique, étranger, homosexuel, d'orientation politique différente, ou que sais-je encore qui parfois dérange les foules que nous sommes, et remettons ces difficultés à Dieu. Et peut-être même, osons prier pour que nous aussi, tout comme Zachée, nous changions au contact de Jésus – ce Jésus qui vient à la rencontre de tous les Zachée et de toutes les foules du monde.
Remettons à Dieu nos difficultés à l'égard de Zachée, prions, et écartons nous humblement pour laisser passer celui qui, comme nous, veut voir Jésus.



A la lecture de ces quelques versets de Luc, nous avons pris tour à tour quatre points de vue différents : 1) nous sommes Zachée, quand nous surmontons nos foules intérieures, 2) nous sommes Jésus quand nous osons la rencontre, 3) nous sommes la foule quand nous reconnaissons que nous nous laissons guider par nos jugements...
Et Quatre ? Eh bien... il reste l'arbre, dans ce récit, et il n'est pas sans importance. Car à l'inverse de la foule qui bloque le passage à Zachée, l'arbre lui permet de voir Jésus de ses propres yeux. L'arbre est celui qui permet la rencontre. Je pense que chacun à notre manière, nous pouvons être cet arbre, solide et disponible, pour un Zachée qui passe par là. Chacun d'entre nous peut porter du fruit, et parfois un fruit aussi inattendu que Zachée ! Et lorsque Jésus cueille ce fruit, la rencontre qui s'ensuit peut changer une vie !


Comme je vous le disais au tout début, l'histoire de Zachée était l'une de mes préférées quand j'étais enfant. Et vous savez quoi ? Aujourd'hui, c'est toujours mon histoire préférée. Parce qu'elle dit tout de nos doutes, de nos difficultés, de nos envies. Et à tout cela, Jésus répond : « Hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison ». Jésus, l'ami par excellence, viens à notre rencontre.

Amen.




Prédication du dimanche 5 mai
Culte au Temple d'Echallens, co-célébré avec Cécile Pache


https://tomicscomics.tumblr.com/page/143

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire