lundi 18 novembre 2019

Un petit conte sans prétention : l'aventure nocturne de Sivelyne

   Sivelyne n'était pas la plus jolie fille du Comte de Hautbois, mais elle était certainement la plus aventureuse - pas qu'elle fût laide, oh non ! mais elle était somme toute affligée d'un visage régulier et banal. Elle se faisait néanmoins une fierté de son abondante chevelure aux reflets d'automne.
   Un soir, alors que le bal de la saison battait son plein dans la grande salle du château, Sivelyne sortit prendre l'air et admirer la lune qui nimbait les ténèbres de son halo d'ivoire. Elle sortit, se perdit dans ses pensées, et dans les bois. 
   Or, sans perdre son courage, elle tenta, une fois qu'elle eut reprit ses esprits, de retrouver son chemin. Ce fut peine perdu, aussi avança-t-elle au grand bonheur la chance, jusqu'à tomber sur une clairière dont le sommet semblait être constitué d'un tas d'émeraudes qui luisaient sous la clarté crépusculaire.
   Attirée par cet éclat si extraordinaire qu'il semblait respirer, la jeune femme s'avança et y posa la main. Elle fut alors si surprise de la chaleur qu'elle y trouva au lieu de la froideur céladon qu'elle y attendait, si surprise qu'elle poussa un petit cri.
   Ce cri, pourtant contenu, éveilla le dragon qui sommeillait. La multitude d'émeraudes n'étaient rien de moins que les écailles rutilantes du reptile géant.
- Holà ! fit-t-il en un rugissement qui fit tressaillir Sivelyne. Qui m'a ôté à mes cauchemars ?
- Ce n'est que moi, fit la jeune femme, qui elle était certaine de rêver.
Elle déclina son nom, son rang.
- Es-tu... un humain ?
- Une humaine, plutôt. Et vous, avez-vous un prénom ?
- Plus depuis longtemps... Je vis éloigné des miens depuis tant de saisons... un nom a perdu son utilité.
- Ah... souffla-t-elle, déroutée par la détresse du dragon. Pourquoi êtes-vous isolé ?
   A ces mots, le dragon redressa son immense tête et vint fixer son regard irisé sur celui de la jeune femme :
- Tu poses la question ? N'est-ce pas absolument évident ?
Silence gêné de l'intéressée.
- Peut-être tes yeux sont-ils trop petits pour bien me voir : je suis laid. Atrocement laid.
   Sivelyne en resta pétrifiée, muette. Etait-il laid ? Un dragon peut-il même être laid ? Elle ne parvenait pas à réagir, ni élaborer une pensée là autour. Ne lui restait qu'une immense perplexité.
- Puis-je vous aider à retrouver votre nom ? proposa-t-elle pour s'en sortir. Ou vous en donner un nouveau ?
- Un nom pour une vie. Pas plus, pas moins.
   Ce rêve prend des proportions philosophiques insoupçonnées, songea-t-elle en observant l'être imposant et vulnérable qui lui faisait face.
   A présent qu'elle arrivait à nouveau à réfléchir, elle se disait que non, elle ne le trouvait pas laid. Etait-il beau pour autant ? Mystère insoluble, du moins pour le moment. 
   Combien de temps se passa-t-il ainsi - un dragon détaillant une humain, une humaine regardant un dragon - avec une curiosité réciproque ? Eux-mêmes ne le surent jamais. Puis ils parlèrent, plus longtemps encore ; ils parlèrent du ciel et de la terre, de la science et de la poésie, de la vie et de la mort ...
   Alors que le soleil se levait, ils étaient amoureux.
Sivelyne dit alors à son ami :
- Tu sais, plus je te regarde, et plus je te trouve beau.
Amusé, le dragon répliqua :
- Je ne savais pas que les humains étaient des êtres aussi superficiels que les dragons.
- Peu importe, puisque c'est vrai... Et toi, comment me trouves-tu ?
- Oh, affreuse, mon amie, affreuse.
Ils étaient amoureux.


























[écrit en 45 minutes, durant un atelier d'écriture]
[niaiserie de l'image totalement assumée]