Au commencement, Dieu créa. Il créa car après avoir vécu Sa
solitude durant toute une éternité, et avoir vu que cela était
bon, Il voulut... quelque chose d'autre. Quelqu'un d'autre.
Au
commencement, Dieu créa, et Il vit que cela était bon. Il y eut un
soir, il y eut un matin, premier jour. Puis deuxième jour, troisième
jour, quatrième jour, ... Il y eut des soirs et des matins jusqu'à
cette rencontre qui allait tout changer.
Dieu
aima toute sa Création d'un amour absolu, mais il y eut une créature
en particulier qui l'intrigua. Les plantes, les minéraux, les
bactéries, l'air, l'eau, les animaux – toutes créatures avaient
cette conscience diffuse de faire partie du divin, de vivre par Lui,
en Lui. Ils étaient Lui, Il était eux. Seul un être se mit à
penser autrement : l'être humain. Les êtres humains.
Les
Humains prirent conscience que non seulement Dieu était en eux, mais
également hors d'eux. Ils virent alors Dieu comme un Autre ; et
le dialogue s'installa.
Ce
furent des temps heureux.
Il
n'y avait pas parmi les Humains de genres nettement définis, même
si l'on voyait bien que seules certaines personnes pouvaient porter
des enfants. Aimer une autre personne, ou plusieurs autres, ce
pouvait être pour une heure, un jour, un mois, un an, une vie, et
tout cela était bon, car c'était l'amour. Et l'amour se vivait au
quotidien, sous le regard bienveillant de Dieu, et certains, si
l'envie les prenait, demandaient Sa bénédiction sur leur foyer.
C'était alors l'occasion de grandes fêtes sous la lune, où l'on
dansait vêtu de blanc, pieds nus tournoyant sur l'herbe fraiche, au
son des luths, des tambours, et des roseaux. Les enfants étaient le
plus beau trésor des Humains, et ceux qui perdaient leurs parents se
voyaient confiés à celleux qui désiraient fonder une famille sans
pouvoir concevoir. Aux enfants, il leur était appris dès le plus
jeune âge le respect de la Création, le respect de leur corps et de
celui des autres. La terre était riche, les jours bien remplis et
les nuits ressourçantes ; le cycle de mort et de vie était au
coeur de l'existence, et cela était bon.
L'harmonie
était telle que Dieu Lui-même habitait avec Ses créatures,
partageant leurs joies, leurs peines, leurs amours. Il leur apprit la
tendresse, la joie de s'offrir l'un à l'autre, l'une à l'autre, Il
leur appris la jouissance. Il leur appris la colère, la tristesse,
l'envie, le désir, la plénitude, la sérénité, ... toute émotion
utile à leur épanouissement.
Puis
sans s'en rendre compte, l'Humain cessa petit à petit de s'adresser
à Dieu comme à un Autre, tant Il lui était proche, tant leurs
existences étaient liées l'une à l'autre. Et si cette fusion avait
un certain attrait, Dieu ne voulut pas qu'elle fût entièrement
consommée. Il aimait cette différence, cette infinie et infime
distance entre deux êtres qui s'aiment. Dieu était sage, et prit
une décision.
Il
profita une dernière fois du plaisir de se fondre en l'Humain lors
de la plus grande fête de l'année, qui fêtait l'équinoxe
d'automne. Il dansa, vibra, joua, mangea, but bien plus que de
raison ; Il fit l'amour, Il jouit, enlacé par des bras
chaleureux ; Il s'isola, observa longuement l'Humain qui formait une
belle ronde désordonnée autour du grand feu qu'on avait allumé,
soupira, pleura certainement. Puis Il annonça Son départ et Son
amour – amour d'autant plus grand qu'Il s'en allait.
- Je
vous aime, je vous aime tant ! Gardez cette liberté de n'être
pas Moi, restez cet Autre dont j'ai besoin...
Et
l'Humain, dans sa fougue – qui peut-être est sagesse – déclara :
-
Puisque Tu pars, nous partons aussi, afin que nous aussi nous soyons
nomades, afin que nous restions curieux de ce qui est Autre.
Puis
Ils se séparèrent, conscients que dès lors, Ils se chercheraient
toujours.
[Réécriture du mythe originel, dans le cadre du programme Self Love awakens]
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