1 Jésus,
étant entré dans Jéricho, traversait la ville. 2 Et
voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des
publicains, 3 cherchait
à voir qui était Jésus; mais il ne pouvait y parvenir, à cause de
la foule, car il était de petite taille. 4 Il
courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il
devait passer par là. 5 Lorsque
Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit :
Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure
aujourd'hui dans ta maison. 6 Zachée
se hâta de descendre, et le reçut avec joie. 7 Voyant
cela, tous murmuraient, et disaient : Il est allé loger chez un
homme pécheur. 8 Mais
Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur, je
donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de
quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.9 Jésus
lui dit : Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce
que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. 10 Car
le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
(Traduction : Louis Second)
✿✿ ✝ ✿✿
Je sais pas vous mais moi,
l'histoire de Zachée était l'une de mes préférées quand j'étais
enfant, et c'est pour ça que j'ai eu envie de vous en parler
aujourd'hui. Parce que c'est un récit court mais très vivant, très
détaillé, presque une parabole en somme. Je me sentais proche de
Zachée, parce qu'au fond, il a beau être un riche publicain,
collecteur de taxes, il se comporte un peu comme un enfant : il
est petit, il grimpe aux arbres, il se dépêche d'en descendre quand
Jésus lui demande, lui aussi un peu enfantin : « Veux-tu
être mon ami ? », et ils vont goûter ensemble – si on
résume.
Peut-être que comme moi quand
j'étais enfant, vous vous identifiez à Zachée en entendant ces
quelques versets de Luc, et c'est bien normal. C'est le personnage
principal du récit, il a envie de voir Jésus, au moins deux bonnes
raisons de prendre son point de vue – pour commencer.
Et je vous invite à me suivre
dans ce petit parcours où nous pourrons nous identifier tour à tour
au différents protagonistes du récit.
Tout comme Zachée, dans la vie,
il arrive qu'on se sente petit : en taille – et ça, c'est
l'histoire de ma vie (lorsque j'assiste à un concert, par exemple,
je me sens très Zachée !)– ou en statut, comme le terme grec
le laisse aussi penser. Ce sont ces moments, que je connais bien, que
vous connaissez sûrement, où on a l'impression d'être bloqué,
comme Zachée est bloqué derrière la foule. Pour Zachée, c'est une
foule très concrète, mais pour nous ?
Bien sûr, cela peut être aussi
très concrètement des gens qui nous font sentir petits, mais cela
peut aussi être nos foules intérieures. Qui est-ce qui la compose,
ma foule intérieure ? Si je regarde toutes ces têtes, ces
épaules, ces dos qui me bloquent la vue, moi je distingue la
fatigue, l'impression que je ne suis pas assez adulte, la flemme
aussi parfois, la peur d'être déçue ou de décevoir, ... Cette
foule empêche la rencontre, avec Jésus, avec ceux qui m'entourent
aussi, et parfois, empêche même la rencontre avec moi-même...
Alors comment faire ?
Comment faire quand cette foule nous bloque le passage ? Zachée
nous offre sa solution : il ne cherche pas à affronter la
foule, il grimpe à un arbre ; il prend de la hauteur. C'est une
jolie leçon, qui invite à la créativité. Il ne s'agit pas de
combattre, même s'il y a un temps pour chaque chose, mais de trouver
ce qui nous élève, ce qui offre une nouvelle perspective. Pour moi,
c'est souvent la lecture, la prière. A chacun de trouver son
sycomore intérieur, que ce soit la marche en forêt, un temps de
réflexion sous une bonne douche chaude, une discussion animée avec
des amis, ... Chacun son arbre favori.
Trouver un arbre bien placé et
y grimper, ça n'est pas la seule leçon qu'on reçoit en se prenant
pour Zachée ; car une fois sur son sycomore, dominant la foule,
que se passe-t-il pour lui ? Lui qui voulait voir, et peut-être
juste voir Jésus, voilà que Jésus le voit à son tour, et
s'invite chez lui !
Je vous avoue que je ne sais pas
comment je réagirais si quelqu'un, fût-ce Jésus, s'invitait chez
moi sans autre formalité ! Je serai sûrement prise au
dépourvu, si ce n'est irritée. Zachée, lui, répond par la joie !
Il accepte de se faire bousculer, d'accueillir Jésus qui le cueille
là sur son arbre où peut-être il se pensait caché. Je sais pas
vous, mais moi, j'ai beaucoup à apprendre de cette spontanéité
joyeuse de Zachée !
Mais peut-être qu'à la lecture
de ces quelques versets de Luc, vous ne vous êtes pas identifiés à
Zachée, mais à son interlocuteur, Jésus – et c'est bien normal
aussi. Ça pourrait paraître un peu présomptueux, de s'identifier à
Jésus, de se prendre pour lui, mais après tout, n'est-on pas censé,
en tant que chrétien, prendre le Christ pour modèle ?
Que fait Jésus dans ce récit ?
Un truc un peu fou, comme il en avait l'habitude : il prend
l'initiative de la rencontre ! Avec un mec perché dans un
arbre, à la réputation un peu trouble, en plus ! Mais ça,
Jésus, il s'en fiche : dans la rencontre avec Zachée, il ne
voit qu' un « fils d'Abraham », ce qui signifie un membre
du peuple de Dieu. Il ne lui fait pas la morale (y en a-t-il besoin,
finalement ? On ne sait pas si Zachée est vraiment pécheur,
c'est la foule qui le désigne comme tel), il s'invite chez lui, il
veut une rencontre en profondeur, bien au-delà des préjugés. Il ne
cherche pas à le changer par de grands discours, non, pas le temps
pour ça, car l'urgent c'est la rencontre.
Et le texte nous la dit bien,
cette urgence : Zachée « court » pour voir
Jésus, mais surtout, Jésus lui dit : « Hâte-toi
de descendre, car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta
maison. » Non, Jésus ne cherche pas à changer Zachée, car
l'urgent, c'est la rencontre... Et c'est cette rencontre qui fait que
Zachée connait un profond changement intérieur, qui se traduit par
le don de la moitié de sa fortune, et la promesse de surcompenser
les éventuels torts commis.
Je vous disais un peu plus tôt
que ce récit ressemble à une parabole. C'est que Jésus n'a pas
seulement raconté des paraboles – ces petits textes qui expliquent
le Royaume de Dieu – non, Jésus n'a pas seulement raconté des
paraboles, il les a aussi incarnées. Par son comportement qui dit
que l'urgent, c'est la rencontre, par le fait qu'il se présente en
ami, Jésus nous invite à vivre dès maintenant dans le Royaume de
Dieu.
A la lecture de ces quelques
versets de Luc, on se reconnait facilement en Zachée, lui l'homme de
petite stature qui cherche à voir Jésus ; on a aussi envie de
se reconnaitre en Christ, celui qui invite à la rencontre, l'ami par
excellence.
Mais ce récit nous offre encore
un autre point de vue, moins glorieux celui-là : la foule. Ça
n'est pas très agréable de s'identifier à cette foule, mais moi la
première, je dois reconnaitre que j'en fais partie plus souvent que
je ne le voudrais...
Je fais partie de cette foule,
parce que comme elle, je râle – je « murmure » comme
le dit le texte – quand les choses ne se passent pas comme prévu,
ou quand on s'intéresse à quelque chose ou quelqu'un d'autre que
moi.
Et encore, si la foule ne
faisait que râler face à cette rencontre inattendue de Jésus et
Zachée... mais en plus, elle a failli l'empêcher ! Zachée
voulait voir Jésus, mais « il ne pouvait y parvenir, à cause
de la foule » nous dit Luc. En effet, la foule ne prête pas
attention à Zachée, elle l'ignore, lui tourne le dos. Peut-être
Zachée a-t-il haussé la voix, a-t-il demandé une place aux côtés
de ceux qui eux aussi étaient là pour voir Jésus, mais on ne lui a
pas fait de place.
Oui, parfois, je fais partie de
cette foule... Sans doute ai-je ignoré des personnes qui auraient eu
besoin que je me pousse un peu, que je leur fasse une place à mes
côtés ; sans aucun doute ai-je râlé parce que des personnes
ont reçu une attention dont j'estimais qu'elles n'étaient pas
dignes !
Cette foule, ça n'est pas une
foule de gens méchants, c'est une foule de gens comme vous et moi,
une foule qui comme Zachée avait envie de voir Jésus. Cette foule,
c'est peut-être parfois notre Eglise...
Alors humblement, j'ai envie de
me demander : qui est mon Zachée lorsque je suis la foule
? Qui est celui que j'ai de la peine à accepter à mes côtés ?
Qui est celui dont je me dis : il n'est pas assez bien pour
recevoir Jésus chez lui ?
Zachée, c'est la figure de
l'exclu, mais un exclu dont on n'a pas vraiment pitié, car après
tout, c'est un riche publicain, à la solde des Romains. S'il est mal
vu par la foule, c'est peut-être
qu'il l'a bien cherché ! Il n'a qu'à changer, être plus ceci
ou moins cela, et comme ça il sera digne d'être à nos côtés pour
voir Jésus...
Aurait-on
envie que Jésus le guérisse de quelque chose, comme il a guéri un
aveugle dans les versets qui précèdent ? Mais Jésus n'a pas
demandé à Zachée de changer... Et ça n'est pas par
ignorance de qui il est – Il appelle Zachée par son nom, c'est
bien qu'il le connaissait au moins un peu. Et il ne lui a pas demandé
de changer, il lui a juste demandé de le laisser entrer dans sa
vie : « Tu voulais me voir, me voici ! ».
Peut-être bien que Zachée
était un pécheur – ça n'est pas à nous de statuer ; et qui
n'est pas pécheur, finalement ? - mais Jésus ne l'a pas
interpellé comme tel, il l'a interpellé comme quelqu'un qui vaut la
peine d'être rencontré.
Alors, tant individuellement
qu'en Eglise (et peut-être surtout en Eglise) : demandons-nous
qui sont les Zachée de nos vies? Qui sont ceux que nous jugeons
pécheurs et indignes sans les connaitre ? Qui sont ceux que, en
les ignorant, nous rendons « de petite taille » ?
Qui avons-nous de la peine à accueillir à nos côtés, pour voir
Jésus, sur les bancs de notre église ?
Prenons conscience de
l'existence de Zachée, prenons conscience de nos difficultés à son
égard, que Zachée soit alcoolique, étranger, homosexuel,
d'orientation politique différente, ou que sais-je encore qui
parfois dérange les foules que nous sommes, et remettons ces
difficultés à Dieu. Et peut-être même, osons prier pour que nous
aussi, tout comme Zachée, nous changions au contact de Jésus – ce
Jésus qui vient à la rencontre de tous les Zachée et de toutes les
foules du monde.
Remettons à Dieu nos
difficultés à l'égard de Zachée, prions, et écartons nous
humblement pour laisser passer celui qui, comme nous, veut voir
Jésus.
A la lecture de ces quelques
versets de Luc, nous avons pris tour à tour quatre points de vue
différents : 1) nous sommes Zachée, quand nous surmontons nos
foules intérieures, 2) nous sommes Jésus quand nous osons la
rencontre, 3) nous sommes la foule quand nous reconnaissons que nous
nous laissons guider par nos jugements...
Et Quatre ? Eh bien... il
reste l'arbre, dans ce récit, et il n'est pas sans importance. Car à
l'inverse de la foule qui bloque le passage à Zachée, l'arbre lui
permet de voir Jésus de ses propres yeux. L'arbre est celui qui
permet la rencontre. Je pense que chacun à notre manière, nous
pouvons être cet arbre, solide et disponible, pour un Zachée qui
passe par là. Chacun d'entre nous peut porter du fruit, et parfois
un fruit aussi inattendu que Zachée ! Et lorsque Jésus cueille
ce fruit, la rencontre qui s'ensuit peut changer une vie !
Comme je vous le disais au tout
début, l'histoire de Zachée était l'une de mes préférées quand
j'étais enfant. Et vous savez quoi ? Aujourd'hui, c'est
toujours mon histoire préférée. Parce qu'elle dit tout de nos
doutes, de nos difficultés, de nos envies. Et à tout cela, Jésus
répond : « Hâte-toi de descendre, car il faut que je
demeure aujourd'hui dans ta maison ». Jésus, l'ami par
excellence, viens à notre rencontre.
Amen.
Prédication du dimanche 5 mai
Culte au Temple d'Echallens, co-célébré avec Cécile Pache
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